EA Pénitentiaire
Depuis 2016, de nombreuses structures d’insertion par l’activité économique (IAE) s’implantent en centres pénitentiaires. Leur rôle ? Conjuguer mise en activité et accompagnement socio-professionnel. L’objectif est de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des détenus à leur sortie de prison française. Un facteur incontestable pour une société plus sûre et inclusive.
De cette pratique est né un modèle consacré à la population carcérale reconnue handicapée : l’EA Pénitentiaire. En quoi consiste concrètement ce projet ? Quels sont les points de vigilance à observer pour l’avenir ? Zoom sur l’EA Pénitentiaire, une expérimentation à laquelle prend part APF Entreprises.
Qu’est-ce que l’EA Pénitentiaire ?
Selon l’article L5132-1 du Code du travail, l’insertion par l’activité économique (IAE) est un dispositif d’état permettant aux personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion.
Afin d’assurer l’effectivité de l’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le ministère du Travail et le ministère de la Justice ont souhaité soutenir ces actions d’IAE en milieu pénitentiaire. Concrètement cela revient à intégrer des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) dans les établissements de détention. L’objectif : offrir un accompagnement social et professionnel aux personnes incarcérées. Les prisonniers éligibles deviennent alors des salariés avec des horaires de travail (20 h/semaine minimum) et des tâches bien précises.
Pour aller plus loin, le décret n°2021-359 et le décret n°2021-362 du 31 mars 2021 relatifs au travail adapté dans les établissements pénitentiaires définissent les modalités d’implantation d’EA Pénitentiaires. Autrement dit, d’Entreprises Adaptées (EA) employant au moins 55 % de travailleurs en situation de handicap incarcérées.
En quoi consiste le projet ?
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Remise au travail
Seules les personnes condamnées volontaires, de nationalité française et dont le quantum de peine est compris entre 6 mois et 3 ans peuvent participer au projet. Ils doivent cumuler des difficultés professionnelles et sociales. Le détenu est alors recruté par l’EA Pénitentiaire. Il signe un contrat de travail spécifique (CDD d’insertion) et exerce une activité professionnelle dans des conditions adaptées à ses capacités.
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Accompagnement professionnel
La personne détenue bénéficie d’une remise à niveau avec des formations individuelles ou collectives. À l’issue de son parcours, elle recevra un certificat de compétences. Par ailleurs, le chargé d’accompagnement aide le détenu en situation de handicap dans sa recherche d’emploi post-prison. Cela passe, par exemple, par des simulations d’entretien d’embauche. Le travail au sein des ateliers permet enfin d’acquérir les codes professionnels.
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Accompagnement social
Le détenu salarié est également accompagné et conseillé sur le plan de la santé, du logement, de la mobilité…
Un détenu peut suivre son parcours EA Pénitentiaire pendant quatre mois minimum et deux ans maximum. Toutefois, la création d’un lien dedans-dehors pour un retour progressif à la liberté est primordial. En ce sens, la démarche peut s’articuler avec les mécanismes d’aménagement de peine. Ces dispositions permettent à une personne de poursuivre à l’extérieur les actions d’accompagnement commencées dans l’établissement carcéral. Ce suivi permet d’évaluer la situation à 3 mois et à 6 mois post parcours d’insertion dans l’établissement pénitentiaire.
À quelles problématiques répond l’EA Pénitentiaire ?
La population carcérale se caractérise par un faible niveau d’instruction, un éloignement marqué de la vie économique et une concentration de difficultés sociales :
- 60 % des personnes détenues n’ont aucun diplôme
- le taux d’activité à l’entrée de l’établissement de détention est inférieur à 50 %
- 6 % des sortants de centre pénitentiaire ne disposent d’aucune solution d’hébergement
- 8 personnes placées en détention sur 10 présentent un trouble psychiatrique
Or, les difficultés sociales couplées à une peine de prison sont de véritables freins au retour à l’emploi. L’EA Pénitentiaire a justement pour objectif de lever ces freins afin de favoriser une réinsertion durable hors de la détention et de lutter contre la récidive.
Comment évaluer les résultats du projet ?
Le déploiement du dispositif d’entreprise adaptée en milieu pénitentiaire a été initié par une phase pilote de 2 ans à compter du troisième trimestre 2021. Cette période d’observation permet de tester de façon opérationnelle le cadre juridique, financier et organisationnel du projet. Outre l’évaluation de l’insertion professionnelle à la sortie de détention, l’organisme d’évaluation devra également analyser les potentiels écarts entre les données organisationnelles et financières du programme pilote et celles observées sur le terrain.
Les perspectives pour APF Entreprises/APF France handicap?
Si l’on en croit les premiers résultats des SIAE Pénitentiaires, les perspectives sont plutôt encourageantes. “La plus belle satisfaction, c’est le nombre d’opérateurs qui sortent avec une solution d’emploi” révèle ainsi un directeur de structure d’insertion par l’activité économique. De son côté, un surveillant affirme que “la majeure partie des personnes qui sont sorties du chantier d’insertion ne sont pas revenues en détention”.
L’EA Pénitentiaire : un projet s’inscrivant dans la stratégie de transition inclusive portée par le réseau d’entreprises d’APF France handicap
Le projet consiste à proposer une offre d’insertion nouvelle en établissement pénitentiaire, basée sur les valeurs et l’expertise de l’association au service des personnes disposant de la RQTH et des personnes relevant de l’insertion, mais aussi de sa politique RSE confirmée.
Depuis de nombreuses années APF Entreprises déploie et enrichit son offre de service sur différents dispositifs et modalités d’action pour promouvoir l’emploi et l’inclusion des personnes en situation de handicap. L’expérimentation de l’EA en milieu pénitentiaire est apparue très intéressante pour proposer une chaîne de services intégrée permettant au public (hommes et femmes en situation de handicap ou valide) d’évoluer dans son parcours, de son incarcération à sa sortie de peine, à son rythme à travers des activités diversifiées, et des supports d’insertion différents dans un cadre rassurant, structurant et plébiscitant l’autodétermination et l’autonomie de chacun.
Cette solution vient compléter la gamme de solutions pour l’emploi déjà proposées par le réseau d’entreprises d’APF France handicap de façon complémentaire.